
Dacia franchit un cap. Avec le lancement du Bigster, le constructeur du groupe Renault s’attaque au segment des SUV de taille intermédiaire, en version hybride. « On passe de la piscine des enfants à celle des adultes », résume Denis Le Vot, directeur général de la marque, à l’occasion des premiers essais presse. Vingt ans après la Logan et le concept du low cost, Dacia monte en gamme.
Dévoilé à l’automne dernier et désormais produit en Roumanie, le Bigster affiche 4,57 m de long. Il cible le segment C des SUV, qui représente près de 3 millions d’immatriculations chaque année en Europe.
Un marché très concurrentiel
Sur ce terrain déjà bien occupé, le Bigster affronte des modèles établis comme les Peugeot 3008, Renault Austral, Toyota RAV4, Ford Kuga, Hyundai Tucson ou encore le futur Citroën C5 Aircross. En somme, un Duster en version allongée et musclée.
Jusqu’ici, Dacia se concentrait sur des modèles plus compacts. Le Bigster, bien que plus grand, conserve l’ADN de la marque : simplicité, efficacité et prix abordables.
Dimensions : le plus long modèle de la gamme actuelle
Avec ses 4,57 m, le Bigster devient le modèle le plus long du catalogue actuel de Dacia, juste devant le Jogger (4,55 m). À titre de comparaison :
- Spring : 3,73 m
- Sandero : 4,09 m
- Duster : 4,34 m
- Logan : 4,40 m (hors marché français)
- Jogger : 4,55 m
Cependant, le record de longueur reste détenu par l’ancien pick-up dérivé de la 1310, long de 4,79 m.
Reposant sur la plateforme CMF-B (déjà utilisée pour les Clio et Captur), le Bigster étend l’empattement du Duster de 5 cm, offrant plus d’espace aux passagers arrière. Il partage de nombreux éléments avec d’autres modèles du groupe, ce qui permet de limiter les coûts.
Une montée en gamme maîtrisée
Denis Le Vot l’assure : « On part d’en bas pour faire une grande voiture ». Grâce à sa largeur de 1,80 m, Dacia a pu allonger le véhicule sans nuire à ses proportions. Quant au risque de cannibalisation avec le Duster, il le balaie : « Peu de clients voient une grande Sandero dans un Jogger ».
La recette maison reste inchangée : optimiser des éléments existants pour créer un modèle nouveau, alléger au maximum pour limiter les coûts. Résultat : le Bigster hybride affiche un poids moyen inférieur de 150 kg à ses concurrents directs. Un gain précieux, même si le constructeur ne souhaite pas en chiffrer l’impact financier.
Pas de version 7 places
Un Bigster à 7 places ? L’idée a été envisagée, mais abandonnée. Elle aurait nécessité des modifications techniques lourdes (banquette, accès, essieu arrière), alors que le Jogger répond déjà à cette demande. Dacia a donc préféré concentrer ses efforts sur l’optimisation du confort et de l’acoustique. Le pare-brise a été épaissi, la hauteur rehaussée de 5 cm, et la face avant redessinée pour plus de prestance.
Ce lifting esthétique répond notamment aux attentes des clients allemands, identifiées lors de focus groups. Parmi leurs exigences : un hayon motorisé, qui a été intégré.
Objectif : séduire l’Europe, et surtout l’Allemagne
L’introduction du Bigster marque une nouvelle étape pour Dacia, qui vise une meilleure pénétration du marché allemand, largement dominé par le segment C. « En Allemagne, notre potentiel est encore largement inexploité », souligne Denis Le Vot.
Parts de marché Dacia en 2024 :
- Roumanie : 29,4 % (1er)
- France : 8,4 % (3e)
- Italie : 6,2 % (4e)
- Allemagne : 2,5 % (11e)
- Royaume-Uni : 1,6 % (20e)
Outre-Rhin, Dacia souffre encore d’un manque de notoriété. « Beaucoup ignorent que nous faisons partie du groupe Renault », admet Le Vot. Pourtant, l’argument prix reste très convaincant : le Bigster démarre à 24 990 €, et sa version hybride à 29 700 €, contre une moyenne de 38 000 € pour un SUV de ce segment.
Une marque attractive pour les déçus du premium
De plus en plus de clients quittent les marques haut de gamme, jugées trop onéreuses. Le Bigster attire ces consommateurs à la recherche d’un véhicule statutaire, bien équipé, mais financièrement accessible.
Autre facteur en jeu : la montée des inégalités. Selon l’indice de Gini, la classe moyenne s’érode en Europe. Résultat : des ex-cadres à la retraite se tournent vers des véhicules comme le Bigster pour conserver confort et position de conduite surélevée, sans exploser leur budget.
D’ailleurs, le taux de conquête est élevé : seulement 13 % des commandes proviennent de clients Dacia existants, 5 % de Renault.
Des flottes, mais sans ristourne
Dacia séduit essentiellement des particuliers, à l’image de la Sandero, première voiture vendue hors flottes en France. Avec le Bigster, la marque pourrait s’ouvrir au marché professionnel, mais sans déroger à sa politique tarifaire : « Les flottes sont les bienvenues, mais nous ne ferons pas de remises massives », avertit Le Vot.
Jusqu’où ira Dacia ?
Certains concurrents comme Skoda cartonnent avec des modèles encore plus longs (Octavia, Kodiaq, Enyaq). Dacia pourrait-elle suivre cette voie ? L’image de la marque s’est nettement améliorée : nouveau logo, finitions plus soignées, design plus moderne… Dacia ne s’adresse plus seulement aux chasseurs de bonnes affaires.
Mais la prudence reste de mise. « Il faut garder les pieds sur terre », tempère Le Vot. Les normes européennes en matière de CO2 imposent des limites : même avec des motorisations hybrides, Dacia ne peut se permettre de trop alourdir ses véhicules sous peine de sanctions financières.
Le défi de l’électrique
Autre enjeu stratégique : le remplacement de la Spring, dont les ventes chutent (59 000 en 2023, à peine 21 000 en 2024). Fabriquée en Chine, elle est menacée par les droits de douane et la baisse des aides. Son successeur, prévu pour 2028, sera assemblé en Slovénie, sur la base de la future Twingo. Prix annoncé : 18 000 euros. Fidèle à l’ADN de Dacia.
Même si Dacia s’aventure dans des segments plus grands, elle conserve son style : aller à l’essentiel, sans superflu, pour proposer des véhicules robustes, abordables et bien pensés. Les bassins changent, mais la méthode reste la même.