Récit : Un conducteur de Tesla Model Y raconte sa découverte de la voiture électrique en 1971 avec une Renault 4 !

Nous ne réalisons pas toujours la diversité et l’originalité des expériences des lecteurs d’Automobile Propre. Pour Pierre, son premier contact avec la voiture électrique remonte à presque 55 ans, dans un contexte professionnel.

Des documents rares sur le sujet

Qui se souvient du partenariat entre Renault et EDF, lancé à la fin des années 1960, qui a abouti à la production d’une petite série de 4L électriques ? En mai 2022, l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) a déterré un documentaire de deux minutes sur le sujet. Diffusé en 1972, il montre plusieurs exemplaires en action.

On reconnaît immédiatement les lignes de la Renault 4, mais l’arrière, qui permet d’accéder aux batteries plomb, est sans portes. La carrosserie est spéciale : en plastique pour alléger le véhicule. À l’exception du pare-brise, les vitres sont en plexiglas. D’autres documents, comme une interview d’André Faure, un ancien mécanicien EDF du centre de recherche des Renardières, témoignent de cette expérimentation.

Pierre ne se souvient pas avoir rencontré Faure, mais il garde un souvenir très précis de la structure : « Il y avait des techniciens et des chercheurs de haut niveau, notamment des scientifiques de Polytechnique et Supélec, qui cherchaient des applications pour l’électricité. À l’époque, personne de HEC : EDF n’avait pas de service commercial. »

La mobilité et l’électricité

Pierre, ayant quitté EDF en 1990 pour rejoindre Primagaz, évoque le contexte de la création de l’entreprise : « De Gaulle a créé EDF en 1946 en rassemblant plusieurs petites sociétés nationalisées. Après la guerre, les réseaux étaient dégradés, avec des tensions électriques variées : 110, 220 et 380 V. En région parisienne, on utilisait du diphasé. À la fin des années 1960, deux pistes étaient explorées pour l’électricité. »

L’une portait sur l’habitat : « À l’époque, des milliers de logements ont été construits en région parisienne, aujourd’hui souvent des passoires thermiques à rénover. Le chauffage au gaz ou au fioul a été abandonné dans les nouvelles constructions au profit de l’électricité. »

L’autre piste concernait la mobilité électrique : « EDF a lancé un appel d’offres à tous les constructeurs français, mais seul Renault a répondu. Cela s’explique par son statut d’entreprise nationale et les liens de son président, Paul Delouvrier, avec de Gaulle. Quinze Renault 4 électriques ont été produites grâce à ce rapprochement. » Toutefois, l’expérimentation n’a pas duré longtemps : « Les moteurs ont rapidement grillé. Nous avons tous été surpris. J’étais spécialiste des moteurs électriques, mais pour ce programme, je n’ai réalisé que des essais. J’ai toujours soupçonné une forme d’obsolescence programmée de la part de Renault, qui n’avait aucun intérêt à se lancer dans l’électrique à l’époque, étant liée aux pétroliers. » Pierre garde un souvenir mitigé de ces Renault 4 : « Très limitées. À l’époque, j’étais motard et je roulais à plus de 200 km/h. L’expérience avant le choc pétrolier a été un échec pour EDF, qui a alors réorienté ses efforts vers l’habitat. »

« Il est temps de ne plus entretenir la pollution »

Il y a cinq ans, Pierre a fait le choix de devenir électromobiliste : « J’avais envisagé une Renault Zoé, mais je ne voulais pas de location de batterie. Motard sur BMW, j’ai opté pour une i3 neuve. J’ai profité d’une promotion sur 2 000 modèles et l’ai conservée deux ans, jusqu’à ce que les problèmes de bornes disponibles me poussent à m’en séparer. Il m’est arrivé de trouver huit bornes en panne sur dix. »

À 85 ans, Pierre souligne les raisons de son passage à l’électrique : « Je considère qu’il n’est plus acceptable de maintenir la pollution, en particulier en France. Elle cause peut-être 80 000 morts par an. Nous ne pouvons plus continuer à nuire à nos enfants et aux plus fragiles. Il est essentiel de réfléchir à notre responsabilité, car la pollution aux particules est à l’origine de nombreux cancers. »

Il soutient donc le développement de l’électromobilité : « À chaque occasion, je parle des voitures électriques avec mes amis ou dans mes réunions associatives. Les constructeurs gagnent beaucoup d’argent avec les hybrides, mais ce n’est pas une solution pour l’avenir. Beaucoup consomment autant que les voitures thermiques non électrifiées. C’est une guerre ouverte contre les voitures électriques, alimentée par des décennies de promotion des véhicules thermiques. »

En Tesla Model Y sans recharge à domicile

Aujourd’hui, Pierre roule en Tesla Model Y AWD : « Je suis ravi de conduire cette voiture. Même quand je prends un virage serré sur une route mouillée, ça passe comme sur des rails. C’est la sécurité absolue. »

Installé en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, il n’a pas de moyen de recharge à domicile : « À 85 ans et veuf, je vis en maison de retraite dans un immeuble. Depuis trois ans, je branche ma voiture sur une borne publique à 100 m, entre 22 h et 5 h. Avec le badge Izivia, cela me coûte 5,50 € pour environ 400 km. Cela représente 95 % de mes recharges mensuelles. Pour les longues distances, j’utilise les superchargeurs Tesla. »

Une réflexion sur les premières expériences électriques

L’histoire des moteurs grillés des Renault 4 soulève des questions, surtout quand on sait que, quelques années plus tôt, des Dauphines avaient été converties à l’électrique aux États-Unis par Henney Kilowatt et d’autres entreprises, sans que ce soit le moteur qui soit le point faible.

Que sont devenues ces Renault 4 électriques ? Probablement détruites. En revanche, il existe encore au moins un exemplaire de Renault 5 électriques produits ensuite. L’une d’elles avait été exposée dans le cadre du Vendée énergie Tour.

Enfin, une observation : contrairement aux modèles actuels, les premiers véhicules électriques consommaient plus en ville que sur route. C’était également le cas pour les voitures des années 1990 avec batterie nickel-cadmium. Les arrêts fréquents aux feux ou aux panneaux Stop rendaient ces voitures particulièrement énergivores. Les pionniers de l’électromobilité savaient que l’autonomie était maximisée en roulant régulièrement et sans dépasser les vitesses maximales.