Carlos Ghosn, l’ex-PDG de Renault, continue de secouer l’industrie automobile de son regard aiguisé, même depuis son exil au Liban. Dans une interview exclusive pour la chaîne Legend de Guillaume Pley sur YouTube, l’ancien dirigeant, toujours aussi lucide et incisif, revient sur plusieurs points sensibles de sa carrière, tout en offrant une analyse approfondie de l’écosystème de la voiture électrique aujourd’hui. Et cette analyse pourrait bien changer la perception que l’on a de l’avenir des constructeurs européens face à la montée en puissance des marques chinoises.
La montée en puissance des Chinois : un vrai défi pour les Européens
Carlos Ghosn ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque les constructeurs chinois de voitures électriques, qu’il considère comme un véritable « danger » pour les marques traditionnelles européennes. Il cite des marques comme BYD et XPeng, qui, en quelques années seulement, ont fait des progrès impressionnants dans le domaine des véhicules électriques. Pour lui, l’évolution de ces entreprises est « extraordinaire », et elles représentent une menace particulièrement importante pour les marques « moyennes » comme Mercedes, Audi, Ferrari ou Maserati. En revanche, il n’est pas encore convaincu que la menace soit immédiate pour les marques de luxe, bien que les Chinois aient clairement annoncé leurs ambitions de monter en gamme.
Ghosn met en garde les constructeurs européens, américains, japonais et coréens, qu’il juge souvent mal dirigés par des « gens qui n’ont pas le niveau ». Selon lui, face à la « vague déferlante chinoise », qui arrive avec une forte ambition, des coûts compétitifs et un soutien massif de l’État chinois, ces acteurs traditionnels vont devoir être plus créatifs pour rester compétitifs. Pour l’ex-patron de Renault, l’innovation dans le secteur automobile n’est plus simplement une question de choix, mais de survie.
Carlos Ghosn et l’évolution de l’Alliance Renault-Nissan
Carlos Ghosn se dit également profondément attristé par la direction prise par les deux groupes qu’il a dirigés, Renault et Nissan. Selon lui, ces entreprises ont régressé depuis son départ, notamment en termes de volumes, ambitions et technologie. Il précise que la valeur de l’action de Renault a chuté de près de la moitié et celle de Nissan de presque deux tiers. En ce qui concerne l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, Ghosn est catégorique : elle « n’existe plus », malgré les discours officiels qui la défendent encore. Une déclaration forte qui souligne le fossé qui s’est creusé entre les partenaires historiques.
L’avenir de la voiture électrique en Europe : un tournant décisif
Dans cette interview, Carlos Ghosn revient aussi sur le projet de voiture électrique qu’il a mené chez Renault, notamment la ZOE, qui a vu le jour en 2009. Il estime qu’en 2008, il aurait pu changer le cours de l’histoire en acceptant une offre pour General Motors (GM), ce qui aurait sans doute permis de soutenir plus vigoureusement le programme ZE (voitures électriques) du constructeur français. Ce changement aurait peut-être aussi eu un impact sur le programme de Chevrolet Volt aux États-Unis.
Il rappelle qu’à l’époque, les ingénieurs Renault avaient finalisé le concept de la ZOE, un modèle qui a été présenté l’année suivante. Si Ghosn avait pris la tête de GM, l’histoire de l’électrique en France, mais aussi aux États-Unis, aurait probablement pris un tournant différent.
L’affaire des espions et l’espionnage industriel
L’interview revient également sur un incident majeur survenu en 2011 : l’affaire des faux espions chez Renault, qui aurait impliqué la transmission d’informations sensibles sur les voitures électriques à des concurrents, et notamment aux Chinois. Carlos Ghosn confie que cette affaire avait été montée de toutes pièces, et qu’il s’agissait en réalité d’un faux complot. Un dérapage qui a conduit au licenciement à tort de trois salariés, mais qui a été ensuite corrigé par une enquête interne. Ghosn évoque avec franchise le phénomène d’espionnage industriel, mais nuance en expliquant que souvent, les concurrents cherchent plutôt à débaucher des talents qu’à recourir à des pratiques d’espionnage direct.
Pour Ghosn, l’espionnage n’est plus seulement une question de voler des secrets, mais de recruter les cerveaux derrière les innovations majeures. Et ce phénomène se produit surtout dans un secteur aussi stratégique que celui de l’automobile électrique, où chaque avance technologique compte.
Conclusion : une industrie en mutation
L’interview de Carlos Ghosn met en lumière la complexité des défis auxquels sont confrontés les constructeurs européens dans l’ère de la voiture électrique. Face à une montée en puissance des marques chinoises, l’Europe se trouve dans une position précaire, d’autant plus que certains des plus grands acteurs mondiaux de l’automobile semblent à la traîne. Ghosn, avec son expérience, souligne que l’innovation, la créativité et la réactivité seront essentielles pour éviter de se faire distancer par des concurrents toujours plus forts.
Cette interview, qui mêle analyses précises et anecdotes personnelles, offre une perspective unique sur le monde automobile d’aujourd’hui. Qu’on adhère ou non aux idées de Carlos Ghosn, une chose est certaine : il reste une figure incontournable du secteur, dont les opinions méritent d’être écoutées attentivemen
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